

Une voiture conçue en deux ans: les constructeurs se convertissent à la "vitesse chinoise"
Les nouvelles Zeekr électriques se comptent déjà par centaines sur le parking de l'usine de la marque à Ningbo (est), et certaines n'ont pourtant été conçues qu'il n'y a quelques mois, avec cette "vitesse chinoise" qui inspire les étrangers.
Dans le gigantesque bâtiment de béton gris et d'acier jaune, un gros bras robotisé prend dans une bassine une pièce d'aluminium, la découpe, et la passe à un deuxième bras. Il en sortira la partie d'un plancher arrière, sous le regard de quelques contremaîtres humains.
Cette unique ligne de fabrication, très automatisée, a été ouverte récemment par la maison-mère de Zeekr, Geely.
Avec ses 2.500 salariés, elle peut produire des berlines Zeekr 007, des SUV 7X comme des gros monospaces premium 009 - permettant d'économiser du temps et de l'argent.
Sur la route de Ningbo à Shanghai, des camions emportent des voitures vers des pays comme l'Australie, où elles devront affronter les modèles de Tesla, du Chinois BYD ou de BMW.
- Concurrence -
En concevant des nouveaux modèles de voitures en moins de 24 mois, suivie de rapides production et commercialisation, la toute jeune industrie automobile chinoise a établi un nouveau standard.
"C'est le moment de vérité pour les grands constructeurs mondiaux", a souligné le cabinet de conseil Bain dans un rapport paru récemment.
Les constructeurs les plus innovants dépensent "moins d'un tiers" de ce que les fabricants traditionnels investissent pour développer de nouveaux véhicules, selon Bain. Et si les historiques mettent souvent entre 48 et 54 mois pour développer de nouveaux modèles, les nouveaux entrants y parviennent en 24 à 30 mois.
Des centaines de modèles Zeekr, BYD ou Chery ainsi conçus s'exposaient au salon de l'automobile de Shanghai, le plus grand du monde, qui a ouvert ses portes mercredi. Des berlines et des SUV aux formes semblables et spacieuses.
La concurrence est rude dans la capitale économique du pays: 2.755 modèles y sont actuellement proposés par 163 marques, selon He Dongbin, vice-président de la commission du commerce de la ville de Shanghai. Au salon de l'auto, plus de 100 modèles ont été lancés.
Les constructeurs occidentaux ont acté leur retard. Volkswagen comme Nissan ont annoncé le lancement de dizaines de nouveaux modèles conçus "en Chine pour la Chine", adoptant la "vitesse chinoise".
"On conçoit d'abord la voiture virtuellement, en faisant le minimum de prototypes, on va très vite", explique le consultant de BCG Mikael Le Mouellic, entre deux visites sur le salon avec des constructeurs.
Les différents départements chargés du design, de l'ingénierie, travaillent ensuite ensemble. Enfin, les constructeurs ne vont pas hésiter à "réutiliser les recettes qui marchent", alors qu'ils recherchaient plutôt des ruptures technologiques, selon l'expert.
Tout cela est facilité par le virage vers la voiture électrique, qui se passe du très complexe moteur thermique.
En Europe, le patron de Renault Luca de Meo ne cesse de citer en exemple la Chine pour sa rapidité. La prochaine Renault Twingo électrique a ainsi été développée dans la République populaire.
- Phares en 9 mois -
Les fournisseurs aussi doivent s'adapter à la rapidité chinoise, comme pour les projecteurs (phares) avant.
"Avant, on pouvait se permettre de concevoir un projecteur en trois ans", explique chez l'équipementier Forvia (ex-Faurecia) son patron Martin Fischer. "Cela ne fonctionne pas en Chine parce que de nouvelles vagues de véhicules arrivent tous les ans. On a des systèmes très organisés qui permettent de lancer un nouveau projecteur en neuf mois".
Dans l'usine de son concurrent Valeo, à Changshu (nord de Shanghai), quatre gros robots assemblent des projecteurs LED qui seront montés dans des Zeekr et autres modèles chinois ou européens.
"On ne travaille pas 24h sur 24 et 7 jours sur 7!" plaisante le directeur technique de Valeo en Chine, Gu Jianmin. "Mais on utilise des solutions existantes, et on travaille en amont avec les constructeurs".
Ensuite, le développement est assisté par l'intelligence artificielle et les tests de durabilité, "qui auraient pris des mois", sont faits sur ordinateur.
"Les constructeurs chinois sont un peu plus exigeants. Mais les étrangers essaient de les rattraper", souligne M. Gu. "Pour émerger en Chine, il faut être au niveau des locaux".
U.al-Sulaiti--BT